M. Colloghan

samedi 9 juin 2012

De l’économie sociale à l’économie sociale et solidaire

en passant par l’économie alternative et solidaire : modeste contribution à une histoire…

Par Jean-Pierre Hardy

L’expression « économie sociale et solidaire » (ESS) s’est imposée et l’objet s’est institutionnalisé (chambre régionale de l’économie sociale et solidaire). Il est devenu une véritable doxa que l’économie sociale et solidaire soit dans la continuité de l’historique économie sociale, conséquence d’une modernisation du vocabulaire et non d’une mutation de l’objet. Et pourtant, certaines «notabilités associatives» se réclament de l’ESS, sans savoir d’où vient le « S » supplémentaire et en ignorant que ce dernier les remettait à l’origine fortement en cause…

 

1. Avec le capitalisme industriel triomphant apparait l’économie sociale.

Le secteur associatif avec les mutuelles et les SCOP sont l’un des trois piliers de l’économie sociale régulièrement présentée comme un « tiers secteur » par rapport aux services et administrations publics de l’Etat et des collectivités territoriales et aux entreprises privées de l’économie marchande.

Aussi, l’économie sociale, c’est 7% du PIB et 9% des entreprises en France dont :

- 1.200.000 associations en activité ;

- 1000 fondations ;

- 22.000 coopératives ;

- 6800 mutuelles.

Ce qui représente 10% des salariés en France (2.144.000 salariés) dont :

- plus de 1 emploi sur 3 du secteur du social (36.8%) ;

- près de 1 emploi sur 6 du secteur de l’éducation (15,8%) ;

- plus de 1 emploi sur 10 des activités financières (banques, assurances) (11.8%)

L'économie sociale en France, c'est donc 5 fois plus d'emplois que dans le secteur automobile et 2 fois plus d'emplois que dans le secteur agricole…

Des activités significatives dans nombre de secteurs:

- 25% de la distribution est effectuée par des entreprises de l’économie sociale ;

- 80% des agriculteurs sont des coopérateurs et 30% du marché agro-alimentaire est géré en coopératives ;

- 2 français sur 3 adhèrent à une association (22 millions d’adhérents) et plus de 14 millions de français sont bénévoles dans une association ;

- 60% des dépôts bancaires se font dans les banques rattachées à l’économie sociale ;

- 1 véhicule sur 2 et 2 habitations sur 3 sont couverts par une mutuelle d’assurance. Il y a 16 millions de sociétaires dans les Mutuelles d’Assurance ;

- 38 millions de personnes sont couverts par une mutuelle de santé et de prévoyance. 60% des organismes complémentaires santé sont gérées par des Mutuelles ;

Lors des élections prud’homales de 2002 et 2008, l’UGERES1 et l’UNIFED2 se sont regroupées au sein de l’Association des Employeurs de l’Economie sociale (AEES) pour rivaliser avec le MEDEF. Avec en 2008, 19,07% des voix dont 34,4% dans la section « activités diverses », l’AEES devient la deuxième force patronale en France après l’Union pour les droits des employeurs qui regroupe le MEDEF, la CGPME, l’UPA, la FNSEA et l’UNAPL.

Selon Christophe RAMAUX3 : « l’économie sociale a historiquement été légitimée – à la fin du XIXème siècle – par la notion d’intérêt commun (ou collectif) conçu comme catégorie intermédiaire entre intérêt particulier et intérêt général »4.

L’économie sociale a la prétention d’être l’expression de la « société civile » et réclame une « démocratie participative » qui serait tout aussi légitime que la représentation politique (démocratie représentative reposant sur des délégations de pouvoirs à des élus).

L’affaiblissement de la légitimité de la démocratie représentative viendrait notamment du fait de la montée de l’abstention lors des élections politiques et d’élus sociologiquement et socialement en décalage avec la composition de la population (genres, catégories socioprofessionnelles, classes d’âge..). Pourtant, l’abstention des adhérents à la vie démocratique statutaire des associations et des mutuelles est de l’ordre de 70 à 80% de leurs membres (soit une proportion inverse à celle de la participation aux élections politiques) et la sociologie des dirigeants associatifs et mutualistes est encore plus en décalage avec la sociologie de la population (retraités âgés des classes moyennes et supérieures).

Comités de quartier et démocratie participative

Les instances de participation aujourd’hui ne reposent pas sur une expression majoritaire ni sur un vote organisé de telle sorte que tous les habitants concernés aient les moyens d’y participer ; ils s’appuient sur l’implication (indispensable au bon fonctionnement de la cité) de quelques citoyens. Reconnaitre ces limites ne dévalorise en rien la démarche de ceux qui s’y engagent mais devrait permettre d’éviter les propos totalisant du genre : "les habitants ont décidé " ou, l’inverse : « comme toujours les habitants n’ont pas été écoutés, entendus… ».

L’économie sociale est donc, selon le « réseau de l’économie alternative et solidaire» (REAS), une « économie installée » à l’interface entre l’économie marchande et l’économie administrée alors que l’économie alternative et solidaire est encore trop une économie souterraine.

2. Avec la crise des années 1980-1990 émerge l’économie alternative et solidaire

Explosion du chômage et de la « nouvelle pauvreté », montée du précariat, dégradation urbaine, échec scolaire, financiarisation de l’économie avec le néolibéralisme…, vers le milieu des années 1980, un réseau militant issu de l’extrême gauche des années 1970 et d’un courant autogestionnaire hégémonique dans la gauche politique et syndicale (après la CFDT, le courant « pabliste » dans les année 1960, le PSU et le PS au début des années 1970, le PCF et la CGT aussi se « convertissent » à la fin des années 1970 à l’autogestion)5 prône et essaie d’expérimenter (« aujourd’hui et maintenant ») une économie alternative et solidaire.

Cette idéologie autogestionnaire s’est nourrit, après le soutien aux expériences comme celle de LIP6 7, du soutien à la tentative de révolution autogestionnaire par Solidarnosc en Pologne8. Les animateurs de ce réseau militants sont fortement inspirés par le mouvement alternatif allemand (« penser globalement agir localement ») qui se donne comme représentation politique les « Grunens », parti autant alternatif que vert (« rouge et vert ») qui, à l’époque, n’avait pas engagé sa mue en parti établi « écolo-libéral » ou « libéral-écologiste»…

Ce réseau permet une reconversion d’un « capital militant » des révolutionnaires et des autogestionnaires « post 68 » qui n’ont pas l’intention de rallier la « gauche caviar » et le social-libéralisme…

En 1985, un réseau se constitue autour de la revue « A faire », d’abord « bulletin multi associatif» puis revue du « réseau de l’économie alternative et solidaire» (REAS), animé par Jacques et Aline Archimbaud, anciens leaders maoïstes du parti communiste révolutionnaire marxiste-léniniste (PCR ml). Ce parti avait fini par soutenir Huguette Bourchardeau, candidate du PSU à la présidentielle de 1981 contre François Mitterrand. Huguette Bourchardeau deviendra en juillet 1984, ministre de l'Environnement dans le gouvernement de Laurent Fabius. En 1984, le PCR ml se « suspendra » et rejoindra la "fédération de la gauche alternative" (ancêtre avec le PSU des actuels « Alternatifs ») qui servira de sas de décompression pour Jacques et Aline Archimbaud pour rejoindre « les Verts » avec Alain Liepietz qui avait d’ailleurs fait un tandem en Seine-Saint-Denis avec Jean-Luc Benhamias lors des élections législatives et régionales en 1986…

Ce titre « A Faire » est la synthèse du titre de la revue théorique du PCR-ml : « Que faire aujourd’hui ? » (Référence au « Que faire ? » de Lénine) et du titre de la revue rocardienne pour l’expérimentation sociale animée par Patrick Viveret : « Faire »9

Le « réseau de l’économie alternative et solidaire» (REAS) dont Aline Archimbaud est la présidente va tenir quatre congrès.

- Le premier en 1992 et le second en 1994 à Pantin (93) dans les locaux de la MAAFORM (Maison des associations, des alternatives et de la formation) animée par Jacques Archimbaud qui était à l’époque un lieu alternatif installé dans une friche industrielle proche du canal de l’Ourcq : entreprise d’insertion par l’économique dans la restauration, insertion Rmistes, peintures murales alternatives aux tags, outils financiers alternatifs, contre-culture des banlieues…10

- Le troisième se tient en 1996 à Amiens et le quatrième en 1998 à Marseille.

Parallèlement, un réseau européen d’économie alternative et solidaire est constitué. Aline Archimbaud, bien avant de devenir en octobre 2011 sénatrice de la Seine Saint-Denis d’Europe Ecologie Les Verts (EEVL), a été députée européenne des « Verts » de 1992 à 1994 sur un poste d’ouverture11. Elle a été l’auteure du premier rapport parlementaire européen sur la promotion de l’économie solidaire en 1993.

Pour bien manquer sa différente avec les fédérations associatives, le REAS se constitue en tant que coopérative d’initiative économique de citoyenneté et sous le statut juridique d’une union économique et sociale (UES), compte tenu que l’UES impose des mandats non renouvelable à durée déterminée et donc évite « la nomenklatura »… La parité des postes de direction est aussi décidée.

Lors de la deuxième rencontre du réseau européen d’économie alternative et solidaire des 5, 6 et 7 février 1992 à Bruxelles, Aline Archimbaud précise que : « s’il est exact de dire que l’Economie Alternative s’inspire de certaines valeurs qui ont pu fonctionner au départ de l’Economie Sociale, il n’en est pas moins vrai qu’elle en renouvelle profondément la thématique et la doctrine »12.

A la question : « l’économie alternative s’oppose-t-elle à ou se conjugue-t-elle avec l’économie sociale », Jacques Archimbaud répond : « L’économie alternative et l’économie sociale forment en France des réalités largement différentes et aujourd’hui presque totalement séparées » 13. Il ajoute que, comme l’économie sociale, l’économie alternative : « a, par contre, tout lieu de craindre d’être ravalée au rang de danseuse des politiques dominantes ; d’alibi social des dispositifs lourds générateurs de chômage, de déréglementation et de libéralisme plus ou moins social-démocratisé »14. Bernard Ginisty15, vice président du REAS invite à : « étudier les dérives des systèmes d’économie sociale et d’action sociale. Comment des organisations nées d’un authentique militantisme sont devenus des hochets pour fin de carrière pour hauts fonctionnaires, des rentes de situation de « loups » jeunes et moins jeunes pour qui le référent premier est la carrière » ; et d’insister : «beaucoup de structures militantes génèrent apparatchiks et rentes de situation » 16.

Aux critiques traditionnelles faites au capitalisme concernant les formes de propriétés et la répartition du profit, l’Economie Alternative et Solidaire ajoute une radicalité qui touche à la logique productiviste, à la manière de travailler, à la nature des produits, aux relations producteurs consommateurs, à la relation hommes/femmes, la volonté de faire vivre concrètement l’utilité sociale. Elle propose une « autre façon de compter »17.

Lors de son congrès d’Amiens de décembre 1996, il est réaffirmé que l’économie solidaire et alternative doit devenir un véritable "secteur économique du 3e type en disposant d’un statut d’entreprise, d’une fiscalité appropriée, de nouveaux moyens d’échange et de paiement »18.
« L’économie alternative et solidaire ne souhaite pas être fondue dans un concept trop vague d’économie solidaire ».
L’économie alternative et solidaire est «un nouveau projet de société dans le champ de » l’économie autrement » »19.
Le REAS dénonce « l’économie caritative ou d’assistance » et « le secteur occupationnel pour chômeurs ». Le REAS veut rénover les cadres plus anciens d’actions : syndicalisme, éducation populaire, économie sociale…. Le REAS ne réussira pas à créer une banque alternative. Son projet phare de créer une nouvelle « banque alternative des citoyens et des régions » échouera devant l’hostilité des pouvoirs publics et des banques, y compris celles se réclamant ou étant rattachées à l’économie sociale. Le REAS rappelle que l’économie alternative et solidaire ne s’élargira jamais si elle rabâche les mêmes antiennes des économies d’interstice, de sas, de publics-cibles ou de marges quelle qu’elles soient.

Le congrès d’Amiens qui s’était ouvert sur le thème central : « Jouer au centre pas sur les marges » décide de se conclure sur le mot d’ordre : « Jouer au cœur pas dans les plis ». Le REAS veut dépasser « la culture du « petit », du « local », du « refus » ou de « l’ailleurs » ».

Le REAS s’auto-invite à rompre avec un « modèle culturel d’organisation et de développement basé sur le volontarisme et la survalorisation des idées », et, «à la croyance dans « la croissance quantitativement liée au simple ralliement des arrivants à une base préétablie, à un noyau constituée de principes et de fondateurs… ».

Aussi, autour de ce congrès d’Amiens, le REAS se rapproche des tenants de « l’économie solidaire » comme Jean-Louis LAVILLE et Bernard EME, Alain CAILLE du MAUSS, la fondation Léopold Mayer…. En effet, pour le REAS, l’économie alternative et solidaire doit cesser de cultiver les approches purement idéologiques, la culture du sacrifice et de la plainte, la gestion de la subvention par enfermement dans le rôle de sous-traitant dégradé du marché et du service public. Il faut : « ne pas être dans l’inévitable marge qui a toujours existé et existera toujours ».

3. L’économie solidaire sans « l’alternative ».

Il s’agissait initialement d’ « économie alternative et solidaire » et non simplement d’ « économie solidaire », cette dernière ayant comme thuriféraire Bernard EME et Jean-Louis LAVILLE. « Le risque existe cependant que par l’économie solidaire, on entende économie de bas de gamme, hors marché, à faible capitalisation, réservée aux chômeurs et aux exclus. Une sorte d’économie d’attente, de traitement social pour les surnuméraires de la société salariale, pour les secteurs non rentables avec des statuts précaires »20.

L’économie solidaire a théorisé le « panachage » des financements et des modes de gouvernance dans le cadre d’une économie « plurielle » dénonçant à la fois le « tout marché » et le « tout Etat ». Il s’agit d’obtenir des financements publics, de faire intervenir des bénévoles ou le sponsoring social des entreprises privées, pour faire en sorte que les services rendus aient des coûts plus réduits jusqu’à devenir solvables.

Portée par des associations, l’économie solidaire fait des injonctions à la participation des publics auxquels ses actions sont destinées, et ce, plus dans le cadre d’une pédagogie de l’insertion que dans le cadre d’une démarche autogestionnaire.

Plus qu’une économie de marché, nous sommes dans une économie avec marché dont l’économie solidaire est l’une des composantes.

L’économie solidaire doit favoriser une logique d’hybridation entre les économies marchande, non marchande et non monétaire. Hybridation des ressources qui consiste à puiser dans les 3 pôles d’activités : le marchand (secteur privé), le non-marchand (redistribution et transferts sociaux) et le non monétaire (échanges et bénévolat, réciprocité par le don et le troc).

L’économie solidaire doit permettre une autre façon de produire de la richesse qu’une entreprise marchande classique, et une autre façon de produire de la solidarité que les pouvoirs publics.

Cette exigence de l’hybridation des financements est l’apport de l’économie solidaire à « la vieille » économie sociale qui, elle, oscille entre un financement public massif par subventions et, dans le secteur social, tarification administrée, et, des cotisations complémentaires des « usagers-consommateurs » dans les mutuelles…

Dans le secteur du social et de l’éducation populaire, cette logique d’hybridation entre en contradiction avec la logique de professionnalisation des dernières décennies du XXème siècle et de la première décennie du siècle présent. Par exemple, des projets innovants de garde d’enfants, d’une part, s’appuyant sur le bénévolat et l’entraide réciproque et, d’autre part, visant à prendre en compte les horaires atypiques de travail, les nouvelles structures et organisations familiales, se heurtent à des organisations professionnelles « corporatistes » défendant des normes plus contraignantes pour les usagers que pour les salariés. La défense de taux d’encadrement et de conditions de travail au nom de la qualité de la prise en charge et du bien être ont une légitimité, laquelle, se refuse à intégrer d’autres problématiques : inaccessibilité de lieux d’accueil « excellents » aux femmes isolées aux horaires de travail atypiques et donc maintien de situations plus graves qu’un « accueil allégé » (femmes dans l’agro-alimentaire embauchant à 5 heures du matin laissant endormi leurs bébés dans leurs voitures sur le parking de l’entreprise dans l’attente de la « pause » qui leur permet de l’emmener dans une structure d’accueil conforme aux normes produites par les professionnelles eux-mêmes et des administrations centrales où dominent leurs pairs…).

Le congrès du REAS de Marseille de décembre 1998 accélère le rapprochement des tenants de l’économie alternative et solidaire avec ceux de l’économie solidaire. L’économie sociale et solidaire va réclamer la reconnaissance d’un droit à l’‘initiative économique qui doit pouvoir être financé au démarrage…

Aux présidentielles de 1995, Dominique Voynet avait été la candidate des Verts et de la gauche alternative (en 2007, elle sera une candidate écolo-social-libérale). A la suite des législatives de 1997, elle devient ministre de l’écologie de Lionel Jospin en 1997 et Jacques Archimbaud, secrétaire général du REAS, rejoint son cabinet et devient l’un de ses plus proches collaborateurs (il l’a suivra en 2008 comme directeur de cabinet à la mairie de Montreuil (93) qu’elle a ravi au communiste iconoclaste Jean-Pierre BRARD, Aline Archimbaud avait fait de même à Pantin (93) lors des municipales précédentes dans le cadre d’une alliance avec le PS contre le PC).

Sous le gouvernement Jospin et à la demande de Martine Aubry, un ami du REAS, Alain Liepietz organise en 1999 une consultation nationale de 4 000 responsables du secteur associatif et coopératif, et en tire un rapport intitulé « Pour le Tiers secteur. L’économie sociale et solidaire : pourquoi, comment ? ». En mars 2000 jusqu’en mai 2002, Guy Hascoët, classé à la gauche des Verts, devient secrétaire d’Etat à l’économie solidaire (les mots social et alternatifs sont exclus de l‘intitulé) sous l’égide de la ministre de l’emploi et de la solidarité. De 1984 à 1986, Jean Gatel avait été secrétaire d’Etat à l’économie sociale rattaché directement auprès du Premier ministre Laurent Fabius. En mai 2012, Benoit Hamon devient ministre délégué à l’économie sociale et solidaire sous l’égide du ministre de l’économie, des finances et du commerce extérieure.

Quant à elle, l’économie alternative et solidaire se réinvestit dans l’altermondialisme. Elle trouve son « chemin de Porto Alegre » au Brésil où la gauche du Parti des travailleurs brésilien expérimente, outre le budget participatif, une économie alternative et solidaire à une grande échelle. Une fois sur le continent sud américain, elle ne pouvait que s’intéresser aux mouvements indigénistes et leurs contre-économies puis à la révolution bolivarienne (Venezuela, Bolivie, Equateur, Nicaragua).

Des altermondialistes d’ATTAC fondent le collectif pour des alternatives solidaires pour soutenir et populariser le mouvement des entreprises récupérées et autogérées en Argentine victime de la première banqueroute financière du nouveau siècle. Ce collectif fusionne en 2011 avec le collectif Lucien Collonges qui a produit une anthologie de l’autogestion21 pour fonder l’association pour l’autogestion qui gère un site internet sur les expériences autogestionnaires passées et actuelles, d’où son soutien au projet de SCOP dans les entreprises comme SEA France et FRALIB...

L’entrepreneuriat social : nouveau paradigme ou effet de mode22.

Selon l’OCDE, l’entrepreneuriat social23 désigne : « toute activité privée d’intérêt général, organisée à partir d’une démarche entrepreneuriale et n’ayant pas comme raison principale la maximisation des profits mais la satisfaction de certains objectifs économiques et sociaux, ainsi que la capacité à mettre en place, dans la production de biens et services, des solutions innovantes aux problèmes de l’exclusion et du chômage. »

4. Et l’insertion par l’économique dans tout cela...

S’agissant de l’insertion par l’économique, son imaginaire est l’intégration salariale dans l’économie de marché et elle est conçue comme un sas vers cette économie de marché.

Les structures d’insertion par l’économique sont les héritières, d’une part, des centres de réentrainement au travail et, d’autre part, des entreprises intermédiaires.

Les centres de réentrainement au travail, comme l’atelier de promotion professionnelle de la cité de promotion familiales d’ATD24 Quart Monde à Noisy le Grand (93) (ont été créés par la célèbre circulaire n°44 du 10 septembre 1974, dite circulaire Ramoff, son signataire, qui avait fait une large interprétation anticipatrice de la loi du 19 novembre 1974 relative aux CHRS (à l’époque le R de CHRS voulait dire «réadaptation » et non comme aujourd’hui « réinsertion »). Ces centres de réentrainement au travail sont devenus les centres d’adaptation à la vie active (CAVA) depuis la loi du 29 juillet 1998 relative à la lutte contre les exclusions.

Les entreprises intermédiaires dont l’existence avait été officialisée par une circulaire de 1985, ont été remises en cause par le Gouvernement Chirac de cohabitation de 1986- 1988 sous le président Mitterrand. Mais, sous la conduite de Martine Aubry, une loi de janvier 1991 et un décret de mai de la même année vont leur donner sous le vocable d’entreprises d’insertion une base légale.

Cependant toutes les structures de l’insertion par l’économique (entreprises d’insertion, associations intermédiaires, régies de quartier, CAVA, chantiers d’insertion, entreprises de travail temporaire d’insertion, groupements d’employeurs pour l’insertion et la qualification)25 vont passer du code la famille et de l’aide sociale (aujourd’hui code de l’action sociale et des familles) au code du travail et d’une impulsion DAS (direction de l’action sociale DDASS) à un suivi DGEFP DDTEFP ce qui n’a pas été sans conséquences…

L’espoir d’un fort développement de l’insertion par l’économique repose sur la mise en œuvre des clauses sociales dans les marchés publics des collectivités locales. Or, la mise en œuvre de ces clauses sociales ne concerne que 1,9% des marchés soit environ 1400 marchés sur 73.000…

JEAN-PIERRE HARDY (le 22 mai 2012).

Notes
1 UGERES : Union des syndicats et groupements d’employeurs représentatifs dans l’économie sociale
2 UNIFED : Union des fédérations et syndicats nationaux d’employeurs sans but lucratif du sanitaire, médicosocial et social
3 « L’ETAT SOCIAL : pour sortir du chaos néolibéral », Christophe RAMAUX, Editions Mille et une nuits, Mars 2012.
4 Dans les institutions de l’Union européenne, la notion d’intérêt public tend à être remplacée par celle d’intérêt commun, lequel, ce n’est pas anodin, est défini comme la conciliation des intérêts particuliers exprimés par des lobbies.
5 « Mouvement syndical, forces politiques et autogestion», Bruno Della Sudda, Jean-Pierre Hardy, Patrick Silberstein, in « Autogestion : hier, aujourd’hui, demain », Editions Syllepse, 2010.
6 « LIP», Bruno Della Sudda, Jean-Pierre Hardy, Patrick Silberstein, in « Autogestion : hier, aujourd’hui, demain », Editions Syllepse, 2010.
7 « Les contre-plans ouvriers alternatifs», Jean-Pierre Hardy, in « Autogestion : hier, aujourd’hui, demain », Editions Syllepse, 2010.
8 « Solidarnosc », Bruno Della Sudda et Jean-Pierre Hardy, in « Autogestion : hier, aujourd’hui, demain », Editions Syllepse, 2010.
9 « Mouvement syndical, forces politiques et autogestion», Bruno Della Sudda, Jean-Pierre Hardy, Patrick Silberstein, in « Autogestion : hier, aujourd’hui, demain », Editions Syllepse, 2010.
10 J’ai pu apprécier les actions de la MAAFORM et les soutenir en tant que chargé de mission RMI auprès du préfet de la Seine Saint Denis, puis chef du service « action Sociale » à la DRASS Ile de France…
11 Les Verts ouvraient leurs listes européennes à des « personnalités d’ouverture de la société civile », leadeur femme de la génération « beur » notamment... De plus, à mi mandat, il imposait à l’époque un système de « tourniquet » consistant à la démission des premiers de listes élus afin de laisser leurs places aux suivants sur la liste…Aline Archimbaud a été prise sur la liste européenne des Verts en 1989 comme personnalité d’ouverture représentant l’économie alternative et solidaire.
12 « A Faire » n°11, 1er trimestre 1992
13 « A Faire » n°11, 1er trimestre 1992
14 « A Faire » n°13-14, 3ème et 4ème trimestre 1992
15 Bernard Ginisty a été 13 ans directeur de l’OCPA Promofaf (aujourd’hui UNIFAF) puis directeur d’une coordination de filières d’écoles de travailleurs sociaux que deviendra l’AFORT puis UNAFORIS
16 « A Faire » n°13-14, 3ème et 4ème trimestre 1992
17 « Auto-organisation, association et démocratie», Jean-Pierre Hardy, in « Autogestion : hier, aujourd’hui, demain », Editions Syllepse, 2010.
18 « A Faire » n°39, Hivers 1997
19 « A Faire » n°41/42, Printemps1997
20 « A Faire » n°28, été 1995.
21 « Autogestion : hier, aujourd’hui, demain », sous la direction du collectif Lucien Collonges, Editions Syllepse, 2010.
22 Quelle place pour l’entrepreneuriat social en France ?, Note n°268 du Centre d’Analyse Stratégique, mars 2012.
23 Le groupe SOS avec 7000 salariés, 19 associations, 17 sociétés commerciales, 270 établissements et services sociaux et médico-sociaux (CADA, CEF, CHRS, CSAPA...)
24 A l’époque ATD voulait dire Aide à toute détresse et non Agir Tous pour la Dignité
25 « Guide de l’action sociale contre les exclusions », Jean-Pierre Hardy, Editions Dunod, mars 1999.

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