M. Colloghan

samedi 17 septembre 2011

Reconversion industrielle

Nous publions la trame de l'intervention de Richard Neuville lors de l'atelier : « Reconversion, Relocalisation, transition énergétique » aux rencontres de la Convergence citoyenne pour une transition énergétique à Lézan (Cévennes) le 27 août 2011.

En tant que syndicaliste et militant autogestionnaire, je vais m’attacher plus spécifiquement à la reconversion écologique de l’industrie et sur le rôle des travailleurs-ses et citoyen-ne-s pour l’entreprendre sans attendre l’avènement du Grand soir. Mon propos vise à interroger les stratégies syndicales mais également celles des associations environnementales et des citoyen-ne-s, en référence à André Gorz en 1980 lors de la publication d’ « Adieu au prolétariat ».




La reconversion écologique de l’industrie passe par l’appropriation collective ou la socialisation des moyens de production ou de services qui doit s’inscrire dans un projet global de transformation sociale et d’émancipation.
La crise économique a entraîné la destruction de 269 000 emplois en France pour la seule année 2008. Si des luttes, parfois exemplaires en termes de combativité, ont pu être menées, elles ont été essentiellement défensives, elles se sont limitées à résister aux « plans sociaux » dictés par la logique actionnariale et à négocier des primes de licenciements. Le combat pour la préservation des emplois est presque impossible à gagner. Il faut donc développer d’autres stratégies.
Rarement sauf à Philips Dreux (Contrôle ouvrier) ou actuellement avec Fralib (Unilever), les questions de reprise et de reconversion ne sont posées.
Au delà des Plans d’isolation des bâtiments pour réduire la dépendance énergétique, de développement de l’agriculture biologique, etc. qui peuvent s’apparenter à un New Deal vert ou capitalisme vert, il faut penser la reconversion de l’industrie, et notamment automobile. La voiture verte est une illusion et les agro carburants ne sont pas la solution.
L’industrie automobile a une expertise dans la logistique, l’ingénierie de production et de la conception à la production, et le contrôle de qualité qui pourrait être appliquée à tout autre type de production. Les processus complexes et économes mis en œuvre aujourd’hui dans l’industrie automobile pourraient être appliqués à la production d’éoliennes et d’autres équipements pour la production d’énergie renouvelable, de tramways, de trains, d’autres véhicules et de systèmes pour des organisations de transport durable.
Après l’attaque de 1941 sur Pearl Harbor par les Japonais, le gouvernement américain a interdit la production de voitures privées et a ordonné à l’industrie automobile de se mettre au service de la production de guerre.
Dans les luttes des travailleurs-ses, le contrôle ouvrier (comme moyen) pourrait être envisagé comme étape et les contre-plans alternatifs ou plans de reconversion écologique comme objectifs peuvent être des instruments de remobilisation des travailleurs pour passer de la préservation de l’emploi et des acquis à la remise en cause de la propriété tout en interrogeant l’utilité sociale et écologique de la production.

Que produire ? Pour quoi faire ? Comment produire ?
Ces questions dépassent inévitablement le cadre stricto-sensu de l’entreprise pour intégrer celui de la branche et au-delà, celui de la société, dans le but de définir l’usage des produits avec les utilisateurs, les usagers et les consommateurs. Pour cela, les luttes ne doivent pas restés isolées. Il est impératif de développer des solidarités mais également des collaborations avec les travailleurs et leurs organisations syndicales, comme :
- En Argentine, occupations d’usine avec le soutien des populations, des forces sociales et politiques. (Voir Zanón (Fasinpat).
- En France, l’entreprise Ceralep à Saint-Vallier conforte cette position car c’est toute une ville qui s’est mobilisée et impliquée, y compris d’un point de vue financier, dans la reprise de la production.

Pour des autogestionnaires, le contrôle ouvrier n’est pas une finalité. Nous défendons le concept de gestion ouvrière mais la mise en place de mécanismes de contrôle sur la gestion des entreprises privées ou publiques par les travailleurs peut être une première étape tactique.
Des Contre-plans alternatifs pour une reconversion écologique ont été élaborés par le passé :
- 1976 : Lucas Aerospace (GB) aviation ;
- 1982 : Rhône-Poulenc Le Havre (engrais) ;
- Blohm-Voss Hamburg : reconversion chantiers navals pour des éoliennes flottantes.
- En 1975-1981, le PSU Bretagne élabore un contre-plan alternatif dans l’énergie ;
- Talbot 1987 ;
Plus récemment IG Metal et la Fondation Rosa Luxemburg ont initié une réflexion sur la reconversion de l’industrie automobile (Stuttgart - Octobre 2010). En 2009, Lars Henriksson, syndicaliste à Volvo, publiait un article dans lequel il formulait un certain nombre de pistes. (Inprecor n°564-565)
La défense et la préservation des postes de travail - mais aussi la transformation du travail lui-même - nécessitent l’élaboration de contre-plans alternatifs visant une reconversion écologique qui devront intégrer des questions telles que :
- Le développement et la faisabilité technologique des nouveaux produits ;
- L’impact écologique pour fabriquer ces produits ;
- La recherche de l’innovation en fonction d'une plus grande utilité sociale des produits ;
- La redéfinition des rapports sociaux dans l’entreprise et la branche ;
- La transformation de l’organisation du travail, le transfert des « savoir-faire » et la remise en cause des savoirs morcelés.
Les contre-plans posent la question de la démocratie autogestionnaire autour de l’entreprise :
- Démocratie dans l’élaboration d’un projet commun ;
- Accès à l’information ce qui implique l’ouverture des livres de comptes et le contrôle des investissements ;
- Nouvelles formes d’organisation et d’expression des travailleurs des conseils d’atelier au conseil d’entreprise ;
- Rôle des experts et contre-experts (associations de chercheurs, économistes, syndicalistes, etc.) ;
- Intervention de la population concernée, du mouvement écologiste, des mouvements de contestation puisque la définition d’une production socialement utile et écologiquement soutenable ne peut être obtenue que par un processus d’échange.
Cette appropriation autogestionnaire d’entreprises pourrait être favorisée comme le suggère le groupe de travail « Reconversion écologique » par un Fonds National de Reconversion Ecologique (FNRE) alimenté par des prélèvements sur les entreprises et les marchés financiers.
Un tel projet implique un changement radical, une remise en cause de la logique productiviste capitaliste, et un décloisonnement des tâches et des sphères entre les composantes syndicales, politiques, associatives et citoyennes.

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