M. Colloghan

mardi 8 mars 2011

Gaz de schiste : l'Ardèche est entrée en résistance !

Cet article a été rédigé pour Rouge et Vert le 5 mars
Richard Neuville

Révélés publiquement au cours de la deuxième quinzaine de décembre 2010, les permis d’exploration et d’extraction des gaz de schiste délivrés dans la plus grande discrétion à des compagnies extractives par le Ministère de l’écologie neuf mois plus tôt allaient mettre en émoi la population de l’Ardèche. Rapidement, des associations environnementales (FRAPNA, Vigi-nature, etc.) et des écologistes (EELV et autres) affutent leurs argumentaires et programment des premières réunions publiques pour informer et sensibiliser la population. Les Alternatifs en appellent à la création d’un collectif large. En quelques semaines, la mobilisation va croître très rapidement grâce à la création d’un collectif unitaire et atteindre un niveau de contestation inégalée en Ardèche méridionale le 26 février lors de la manifestation organisée à Villeneuve de Berg. Ce jour-là, c’est tout un peuple qui s’est levé contre l’arbitraire technocratique et qui est entré en résistance active. 

Un collectif déterminant pour la mobilisation

Le 12 janvier 2011, sous l’impulsion d’organisations politiques (notamment Les Alternatifs et le Parti de gauche), d’associations et de syndicats (Confédération paysanne, MODEF et Solidaires), le collectif 07 « Stop au gaz de schiste » est créé pour élargir le cadre d’intervention. Il rassemble à l’origine douze organisations et des citoyen-ne-s mais il va rapidement regrouper toutes les formations politiques de gauche et tout un éventail d’associations locales. Dans un communiqué publié quelques jours plus tard, le collectif dénonce :
« - l’absence totale d'information de la population et de débats publics,
- les conséquences environnementales désastreuses (pollution des réserves d'eau potable, du sol et des sous-sols),
- l’aberration énergétique et la fuite en avant que ce choix représente à l'heure de la lutte contre le changement climatique,
- les ravages socio-économiques (agriculture, tourisme,...),
-les atteintes irréversibles à la santé (produits mutagènes, reprotoxiques ou cancérigènes) ».
Il appelle les citoyens, les associations et organisations à se mobiliser et les élu-e-s des communes à prendre des arrêtés municipaux pour bloquer toute exploration et exploitation.

Le collectif programme quelques réunions publiques en Ardèche méridionale qui vont rencontrer une participation exceptionnelle (1000 à personnes à Villeneuve de Berg, 800 à Saint-Sernin et des centaines dans d’autres villages). Fort du succès des premières réunions publiques, la demande devient exponentielle. A l’initiative de citoyen-ne-s ou d’élu-e-s, chaque commune souhaite organiser sa propre réunion. Parallèlement, un collectif d’élu-e-s se constitue et les arrêtés municipaux se multiplient. Le 15 février, le Conseil général de l’Ardèche adopte une motion à l’unanimité.

Une mobilisation exceptionnelle

Mi-février, conscient de la mobilisation citoyenne exceptionnelle, le collectif « Stop au gaz de schiste » décide d’appeler à une manifestation pour le 26 février à Villeneuve de Berg. Il parie raisonnablement sur une participation oscillant entre 5 000 et 10 000 personnes. Or, c’est le double (entre 15 000 et 20 000 personnes) qui afflue dans cette commune de 3 000 habitant-e-s : des citoyen-ne-s venus-e-s très majoritairement de l'Ardèche mais également des délégations des différents collectifs de France (Aveyron, Bouches du Rhône, Lot, Seine et Marne, etc.) ou venu-e-s en voisin-e-s principalement de la Drôme, du Gard, de l'Hérault, de la Lozère et du Vaucluse pour crier leur opposition à ce projet technocratique, décidé sans consultation des populations concernées. Deux militants québécois ont même fait le déplacement. On relève également une forte participation des élu-e-s (principalement de la gauche départementale mais également certain-e-s de droite) et la présence de quelques responsables nationaux de la gauche et de l’écologie politique.

Six semaines après les premières réunions d’information, c’est donc une foule considérable qui s’est rassemblée pour la première manifestation nationale contre l’exploitation du gaz de schiste.

Pour les élu-e-s locaux et le maire de Villeneuve de Berg, Claude Pradal, qui s’est exprimé en leur nom, les permis doivent être « tout simplement annulés » car « les conséquences seraient lourdes pour l’agriculture et le tourisme, piliers de la vie locale ». Il a également dénoncé les modifications apportées au code minier qui « simplifient la vie des prospecteurs ». Il est également nécessaire d’engager des recours administratifs contre l’attribution des permis d’exploration. L’engagement des élu-e-s dans la bagarre est importante mais elle résulte en grande partie de la mobilisation citoyenne car s’ils-elles fustigent l’attitude du gouvernement qui n’aurait pas daigné les informer, certains ont tout de même reçu la visite d’ingénieurs dès le mois d’octobre et s’étaient bien gardés alors d’en informer les citoyen-ne-s.

La résistance s’organise

Les propos récents de Nathalie Kosciusko-Morizet concernant une suspension des travaux d’exploration n’ont absolument pas rassuré les manifestants. Leur détermination est intacte et des actions de désobéissance civile auront lieu si le gouvernement persévère. Et, pour Jean-Louis Chopy, porte-parole provisoire du collectif, il faudra « empêcher les camions d’entrer sur nos territoires ». Il a appelé à s’organiser pour pouvoir réagir au plus vite et engager la résistance physiquement. Il a également pointé la nécessité d’engager un débat public sur la politique énergétique dans notre pays et même évoqué la sortie du nucléaire.

A la différence des élu-e-s locaux, le collectif 07 n’entend pas s’opposer à l’exploration et l’exploitation du gaz de schiste uniquement sur le territoire de l’Ardèche méridionale. Membre du collectif national, constitué le matin même à Saint-Marcel-les-Valence, il a envoyé une délégation le 5 mars à Doue en Seine-et-Marne.

La mobilisation ne fait que commencer en Ardèche et ailleurs. Plusieurs actions sont d’ores et déjà envisagées par le collectif national : une journée de mobilisation décentralisée en France le 15 avril, un grand rassemblement international pendant l’été sur le Larzac, etc. Tout comme la lutte contre le nucléaire, engagée quelques décennies plus tôt, la mobilisation contre l’exploitation du gaz de schiste permet - à une toute autre échelle - de mener des débats sur la politique énergétique et notamment sur l’exploitation des ressources fossiles. Les Alternatifs ne peuvent que s’en féliciter car les crises énergétique et climatique demandent des réponses urgentes.

Richard Neuville

Voir également la vidéo de Sylvain Moyon


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