M. Colloghan

dimanche 27 juillet 2014

Débats sur une stratégie altermondialiste en Amérique latine (Suite)



Deuxième partie : la situation en Argentine et au Chili

Par Gus et Elise Massiah

Après un premier volet consacré à la situation globale en Amérique latine, nous publions ici la synthèse des discussions suscitées autour du livre Une stratégie altermondialiste et des notes prises par leurs auteurs Gus et Elise Massiah, lors des débats organisés en 2013 avec divers mouvements, collectifs et organisations sociales en Argentine et au Chili. Publication initiale sur le site ContreTemps (voir URL ci-dessous).

LA SITUATION EN ARGENTINE


Les discussions,1 dans les réunions de débat public et dans les séances de travail ont porté sur la situation en Argentine et en Amérique Latine, la crise en Europe, le processus des forums sociaux, la stratégie altermondialiste.


La situation économique en Argentine

L’Argentine est le deuxième pays d’Amérique latine, après le Brésil, par sa taille et sa population (40 millions d’habitants en 2008, urbanisés à 89% ; un tiers des habitants vivent à Buenos Aires). Elle est membre du Mercosur.

L’Argentine qui était la septième puissance économique à la veille de la seconde guerre mondiale se situe actuellement à la vingtième place. Elle a encore le souvenir vivace de la crise structurelle qui a suivi cette période. De 2003 à 2009, l’Argentine a connu un cycle d’expansion sans précédent avec une croissance cumulée de plus de 60 %. La période de très forte croissance a suivi la réaction vigoureuse à la situation qu’elle connaissait alors.

En décembre 2001, en rupture avec la doxa néolibérale et les directives du FMI, le gouvernement décidait unilatéralement d’un moratoire record de 90 milliards de dollars, d’une dévaluation massive du peso et d’un décrochage par rapport au dollar. Il réussissait à négocier une restructuration de la dette, avec une réduction massive de 75% des titres pour 93% du montant total. Il entamait un bras de fer avec le FMI dont il obtenait le maintien des prêts sans conditionnalité politique. La crise de 2002 est profonde ; le PIB chute de 10,9% en 2002. Mais, dans la décennie qui suit, l’Argentine rétablit une structure macroéconomique satisfaisante. Elle a connu une croissance rapide et stable (8,5% en moyenne de 2003 à 2008 ; 9% en 2010) grâce au prix des matières premières agricoles, à la relance des exportations (soja et viande) et à une politique d’accroissement des dépenses publiques pour soutenir la demande interne.

A la faveur de cette croissance économique, un modèle économique à vocation d’intégration sociale a été affiché. Ce modèle a permis l’adoption de plusieurs réformes sociales importantes comme le plan « Argentina trabaja » (destiné à générer 300 000 emplois), le plan « familias » (qui regroupe différents plans destinés à venir en aide à 700 000 familles) ou la création d’une allocation universelle par enfant (« l’asignación universal por hijo », distribuée à plusieurs millions de familles, sur critères sociaux et sous condition de scolarisation). Le programme des « chefs de ménage » constitue un plan d’urgence sociale.

La situation en Argentine est de nouveau tendue. Une nouvelle crise est annoncée.2 Le taux de croissance qui a été de 8% par an pendant les dernières années serait divisé par deux et approcherait 5%, ce qui par rapport à d’autres régions du monde n’est pas si mal. Plus grave, l’inflation serait de moins en moins maîtrisée, officiellement de 9%, elle serait entre 20 et 25%. Elle relance une fuite des capitaux. Le déficit commercial, énergétique et industriel, s’est accru, et rend plus difficile l’accès aux marchés financiers où l’Argentine est toujours soumise aux poursuites engagées par le reliquat des dettes dues à des fonds de pension et au Club de Paris.

Depuis quelques mois, l’économie argentine est confrontée à des fluctuations fortes des cours des produits agricoles, dont ceux du soja qui sont à la baisse. Elle doit faire face au retour de l’inflation. La première mesure a été de diminuer les subventions versées à certains services publics (eau, électricité), ce qui pourrait préfigurer un « recentrage » du « modèle K » (de K de Kirchner). Le pays est à la croisée des chemins, entre une inflexion libérale ou une accentuation de la rupture avec l’économie libérale.

En réponse à ces difficultés, le gouvernement a confirmé l’orientation de 2001. Il a repris le contrôle de la société d’hydrocarbures, YPF, et en a exproprié (avec de fortes indemnisations) le groupe espagnol REPSOL. 3 Il avait déjà renationalisé Aerolinas Argentinas. Cette nationalisation est la plus importante dans le monde depuis dix ans. Le gouvernement reproche à REPSOL d’être responsable du déficit énergétique de 10 milliards de dollars, en n’ayant pas investi en Argentine. REPSOL préférait investir dans d’autres pays, mettant en avant le contrôle des prix en Argentine, tout en distribuant des dividendes à ses actionnaires. Accusée de «dérive protectionniste », Buenos Aires est sous la pression de l’Espagne et de l’Union européenne.

Le gouvernement argentin a pris de nouvelles mesures protectionnistes et renforcé le contrôle des changes. Il a limité les exportations avec la formule « pour chaque dollar qui sort, il faut un dollar qui rentre ». Il avait instauré des taxes à l’exportation, jusqu’à 35% pour le soja, en affrontant les secteurs agro-exportateurs. Ces taxes assuraient un quart des recettes budgétaires, permettant à l’Etat de mettre en place une certaine redistribution, à travers des programmes sociaux, et de réduire le taux de pauvreté.

La discussion sur la politique argentine de 2001 a été exacerbée par la crise européenne et notamment par la situation grecque. L’exemple argentin est-il pertinent pour la Grèce ? Le refus des diktats néolibéraux est-il possible. L’ancien ministre argentin de l’économie, en 2002, Roberto Lavagna, le pense. 4 La gauche radicale grecque a proposé une voie analogue, tout en précisant qu’elle ne faisait pas le choix de sortir volontairement de l’Euro. Devant le risque de voir la réponse argentine faire école, de nombreuses réactions remettent en cause sa logique. Le Monde titre ainsi : « Le miracle argentin (de 2001) était en trompe l’œil ».5 Il s’agit donc d’un exemple qu’on appelle à ne pas suivre. Négligeant simplement que les difficultés actuelles ne sauraient faire oublier la décennie de redressement. 

La situation politique en Argentine


En Argentine, la discussion porte moins sur le sursaut de 2001 que sur l’appréciation de la politique actuelle. L’opinion publique a été sensible aux avancées en matière de droits de l’homme, ainsi qu’en matière de rénovation institutionnelle. L’abrogation en 2005 des lois d’amnistie, a ouvert la voie à un travail de mémoire et, en 2009, aux procès des tortionnaires de la dictature (30 000 disparus de 1976 à 1983). La politique extérieure a été réorientée, de même que la position par rapport à Cuba. La crise de 2001-2002 a induit une reformulation de la politique étrangère argentine, qui s’est fortement recentrée sur l’intégration régionale. L’Argentine accorde ainsi une attention particulière au Mercosur et à ses liens avec le Brésil. Avec les Etats-Unis, les prises de position se sont atténuées mais restent critiques. Au sommet des Amériques de Mar del Plata en 2005, le gouvernement argentin a pris une part active à l’échec du projet de Zone de libre-échange des Amériques. Tout cela au milieu d’attaques frontales de la droite.

Le soutien de l’opinion est réel par rapport au rejet du néolibéralisme. Il reste à apprécier la nature de la politique actuelle. Elle est post-néolibérale, elle n’est pas pour autant anticapitaliste. Si les mouvements peuvent négocier des contreparties, ils ne se font pas d’illusions sur la transformation en profondeur. Les nationalisations sont considérées comme nécessaires et positives. Pour autant, les entreprises d’Etat ont laissé trop de souvenir de bureaucratie et de corruption pour être un modèle de dépassement. On est au cœur du débat stratégique : comment, d’une part, faire face à l’urgence par rapport au système international et à la logique néolibérale et, d’autre part, inventer de nouveaux chemins pour le dépassement du capitalisme.

Dans l’ensemble, les mouvements sociaux et l’opinion soutiennent le gouvernement quand il prend ses distances avec le néolibéralisme. Sans ce soutien, une telle politique serait inenvisageable. Cette politique a une conséquence qui est fortement ressentie, celle de la fragmentation du mouvement social. On la retrouve sur le rapport au gouvernement qui partage le mouvement syndical. On la retrouve dans les débats sur les formes de dépassement du capitalisme et notamment sur les entreprises étatiques.
                                                                                                           

Les mouvements sociaux en Argentine


Les mouvements sociaux argentins sont très vigoureux et divers. Les formes de résistance sont nombreuses, contre les multinationales,6 contre les agro-exportateurs. Il y a eu aussi la formidable inventivité du mouvement social argentin et notamment les tentatives de contrôle et d’autogestion des entreprises.7 Il faut aussi noter la vitalité du mouvement associatif. Le rapport au politique des nombreuses organisations partisanes se définit moins par rapport aux mouvements que par rapport à l’Etat et aux politiques étatiques.

En Argentine, dans les années 1990, en réponse à l’aggravation de la pauvreté et du chômage qui a résulté des politiques néolibérales, les luttes sociales ont profondément innové. Les initiatives des mouvements de chômeurs, des travailleurs des entreprises récupérées et des assemblées de quartiers ont inventé une nouvelle économie sociale. Ils ont répondu à l’incapacité à générer des emplois, malgré les politiques publiques fondées sur les allocations aux foyers sans emploi ; d’autant que la moitié des chômeurs n’étaient pas indemnisés. Les mouvements sociaux ont cherché à amortir le retrait de l’Etat, tout en recherchant la substitution à l’économie de marché.
Les « piqueteros » s’affirment par la radicalité et la diversité de leurs actions : les coupures de routes et les actions communautaires. Certains reversent les allocations obtenues par leurs actions dans des activités productives. Ces activités adoptent des formes autogestionnaires ou coopératives. Les travailleurs des entreprises récupérées ont cherché à réactiver des entreprises en situation de faillite. Ils se fixent une rémunération minimale pour leur travail, consistant en retraits périodiques équivalent à un salaire minimum, parfois combiné avec des paiements en liquide ou en marchandises. Ils ont cherché des formules juridiques pour remettre en question la hiérarchie du droit du travail, de la propriété privée et du droit commercial. Les assemblées de quartiers sont fondées sur l’auto-organisation sociale et l’appropriation de l’espace public citoyen (bourses du travail, jardins potagers, centres de santé, etc.). Elles combinent les activités productives et sociales autonomes et les réclamations aux pouvoirs publics. Ces mouvements favorisent la participation et l’horizontalité dans la prise de décisions.

Le mouvement coopératif se rapproche des mouvements qui ont pour priorité les valeurs traditionnelles de la coopération et s’écarte de ceux qui privilégient un discours patronal. La décision de fonder une coopérative, une association civile ou une organisation non gouvernementale (ONG) est une question d’opportunité. La politisation est la caractéristique de cette évolution. Les activités de l’économie sociale étaient perçues comme complémentaires du retrait de l’Etat de l’activité économique et encouragées comme telle. Aujourd’hui, elles suppléent aux carences d’une économie basée sur l’entreprise privée et sont considérées comme une alternative à l’économie de marché. Elles affirment une culture des mouvements sociaux, autour de valeurs (égalitarisme, solidarité, coopération) en opposition à l’individualisme égoïste de la culture dominante.

Mais outre la pauvreté et le chômage, un trait majeur du contexte économique et social contemporain est l’énorme extension de l’informalité et de la précarité. L’Argentine combine les deux types d’ajustement du marché du travail, l’ajustement par le chômage, comme en Europe, et l’ajustement par l’informalité comme en Amérique Latine.

La nouvelle économie sociale recherche des nouvelles formes d’organisation au-delà de l’entreprise privée, de la coopérative ou mutuelle et de l’association civile. Elle interpelle aussi les fonctionnaires sur les fonctions et les finalités de l’Etat. Elle les appelle « à faire ce qu’ils doivent faire » pour la société, en utilisant les ressources étatiques pour les besoins sociaux et le développement de cette nouvelle économie sociale dans deux directions : en canalisant les ressources et en générant de nouvelles formes juridiques et sociales qui la consolide. Dans la période récente, l’Etat semble soucieux d’amplifier sa capacité de traitement des demandes sociales par des subventions très fortes et par la création de cadres de rencontre entre les initiatives sociales et l’Etat.

L’impact des mouvements a été considérable, même s’ils n’ont mobilisés qu’une partie de la société.8 Les relations des gouvernements successifs avec les organisations de piqueteros ont alterné la négociation avec la répression et la judiciarisation du conflit social, ce qui s’est traduit par plus de 4 000 procès. La situation change avec la victoire de Kirchner en 2003, qui ouvre des perspectives et des espoirs. Mais, une position anti-piqueteros se renforce dans l’opinion publique, chauffée à blanc par les grands médias et soucieuse de « normalité ». Par contre, le mouvement des usines récupérées bénéficie d’un soutien plus important. De plus, un nouveau cycle d’action syndicale, mené par des groupes de délégués combatifs, déploie une forte radicalité dans les luttes sociales.

L’Argentine est toujours traversée par une prolifération de luttes sociales, notamment en faveur de la réévaluation des salaires, les revendications des chômeurs et la défense de l’habitat. Cet ensemble d’actions collectives présente dans de nombreux cas un fort ancrage territorial, une claire propension à l’organisation en assemblées et implique une multitude d’organisations. Même si après des années de luttes et d’« assembléisme », il existe une modification des formes de mobilisations sociales. En effet, la situation en Argentine met en évidence l’importance du rapport entre les mouvements sociaux, les partis politiques et les gouvernements. Cette question relève évidemment des situations spécifiques. Toutes les situations apportent des éléments de réflexion. Particulièrement en Argentine où cette question est explicitement posée et débattue.

Les élections parlementaires d’octobre 2005 ont vu la consolidation « en haut » d’une sorte de « peronismo infinito » (« péronisme sans limite ») et « en bas », le développement d’une forte politique assistancialiste et clientéliste renforçant la relation des institutions péronistes avec les secteurs les plus vulnérables. Cette relation a été facilitée par la forte croissance économique qu’a connue le pays. Les mouvements sociaux ont du mal à se constituer en nouvelle alternative politico-sociale. Ils subissent la fragmentation organisationnelle croissante au sein de l’espace militant. Les différentes traditions idéologiques ont renforcé le conflit interne et ont favorisé la division entre les mouvements et les organisations. Les partis de gauche ont entraîné les mouvements dans les batailles électorales au détriment de leur autonomie décisionnelle, de leurs alliances internes et du développement d’une logique de construction territoriale liée au travail communautaire et aux entreprises productives. L’absence de perception du changement d’opportunités politiques, dans la redéfinition de la scène politique à partir de 2003, et la sous-estimation de la capacité d’initiative du péronisme ont aggravé la crise de certains mouvements, tant dans les assemblées de quartiers (en 2002), que dans le processus de délégitimation et d’isolement social des organisations de chômeurs (2003-2004).

Les mouvements sociaux sont confrontés aux différentes tendances de la gauche - la tradition national-populaire, la tradition classique et la tendance autonomiste. En Argentine, la tradition populiste avantage le primat du système institutionnel, et des partis et mouvements péronistes, sur les mouvements sociaux. Cette conception du changement social privilégie le changement d’orientation politique du gouvernement par rapport au rééquilibrage des forces à travers les luttes sociales. Le primat du système politico-partisan induit une méfiance notoire envers les nouvelles formes d’auto-organisation sociale et envers leurs exigences de réappropriation de leur pouvoir (empowerment) et d’autonomie. Par rapport à la gauche partisane et populiste, l’autonomisme, enfermé dans sa vision uninominale du pouvoir et de la relation avec l’Etat, refuse de penser la question de l’articulation politique comme quelque chose de plus qu’une coordination horizontale de mouvements. Face à ce nouveau blocage des opportunités politiques, certains tendent à plonger dans une défense des principes révolutionnaires classiques les plus orthodoxes et dogmatiques, dans leurs tendances léninistes et guévaristes.

Le rapport au processus des forums sociaux est important et visible dans les associations, dans une large partie du mouvement syndical et dans les autres mouvements sociaux, dans les universités et les mouvements étudiants. 

LA SITUATION AU CHILI 

La situation politique au Chili


Au Chili,9 la situation politique post-dictatoriale est toujours prédominante. Vingt-cinq ans après le triomphe du « non » au référendum qui ouvre la fin de la dictature de Pinochet, la société chilienne reste profondément marquée par cette étape de son histoire. Mais, le traumatisme n’est pas le même suivant les générations. Il marque encore profondément les générations qui ont vécu le coup d’Etat et ses conséquences, qui considèrent que le devoir de mémoire est un élément déterminant de l’engagement politique. Il est moins central pour les générations engagées dans les nouveaux mouvements sociaux, qui se sentent beaucoup plus libres et plus critiques par rapport à la transition.

L’appréciation de la transition est un élément majeur ; il nécessite de revenir sur la fin de la dictature. La définition de la stratégie pour en finir avec Pinochet est définie en 1986-87. Elle suit une période, de 1982 à 1986, de résistance très radicale qui est violemment écrasée. A partir de 1986, l’idée progresse de changer le régime par des moyens légaux. Elle bénéficie de l’évolution des couches moyennes, avec l’accord de certains partis de gauche comme le MAPU (Movimiento de Acción Popular Unitario) et du PS. Elle s’appuie sur le changement de position de la Démocratie Chrétienne (DC) et de la position des Etats Unis. Ainsi se constitue la coalition de « La Concertation » qui va défendre le « non » au référendum et regroupe démocrates-chrétiens, socialistes et sociaux-démocrates. Le « non » l’emporte, en partie grâce à une campagne intelligente qui met en avant l’espoir et le refus de la peur, alors que Pinochet mise toujours sur la crainte et l’anticommunisme. Mais la partie n’est pas gagnée pour autant. Le dictateur reste commandant en chef des Forces armées. Il sera amené à décrocher sous la jonction de trois éléments. Son prestige est durablement atteint quand il est emprisonné à Londres, en 1996, ce qui montre en passant l’importance des batailles pour le droit international. D’autre part, la droite chilienne refuse d’accepter un nouveau coup d’Etat envisagé en 1989. Enfin, ceux qui avaient soutenu le coup d’Etat contre Salvador Allende ne le regrettent pas ; mais ils trouvent que Pinochet est allé trop loin et ils sont soutenus par les Etats-Unis dans leur refus d’une nouvelle aventure.

C’est là que les appréciations sur la transition divergent.10 Après la victoire du « non », il va y avoir un an de négociations pour définir la transition, entre un Pinochet encore menaçant et le nouveau président DC, Patricio Aylwin, pour la Concertation. Les concessions négociées et imposées par Jaime Guzmán (idéologue du régime militaire) sont faites sur le maintien de la Constitution autoritaire de 1980 et les garanties données à la droite sur l’évolution économique du régime, ainsi qu’aux militaires (et aux civils) sur leur impunité. Alors que plusieurs généraux commencent à être mis en cause, Pinochet quand il quittera le commandement des Forces Armées ne sera poursuivi que pour fraude fiscale…

Le compromis sur l’économie est acquis par l’ancien ministre des finances de la dictature, Hernan Büchi. Il réaffirme le respect strict des règles néolibérales, essentiellement budgétaires et financières. L’argument est celui de la bonne santé financière de l’économie chilienne. Les politiques économiques qui suivront confirment la privatisation de l’éducation, de la santé, des retraites et de nombreuses entreprises. Les exportations deviennent dominantes et l’ouverture sur l’économie mondiale s’accentue. Avec les législatures suivantes, des mesures sociales viennent compléter le dispositif, sans remettre en cause son fondement néolibéral. La confirmation de la ligne économique est renforcée par l’alliance entre les politiques des partis au pouvoir et les grandes entreprises. Les leaders politiques rejoignent les conseils d’administration des entreprises. On cite le cas du maire de Las Condes, dans l’agglomération de Santiago, qui siègerait dans 16 conseils d’entreprises chiliennes. Les règles négociées de la transition sont globalement respectées.

Les gouvernements se succèdent. Dans l’ensemble, les attentes sociales et politiques sont fortes. Mais elles se heurtent à l’immobilisme de la transition. Les mouvements sociaux sont neutralisés par le pouvoir ou acceptent plus ou moins les propositions de la Concertation, qui met toujours en avant le refus de l’aventure et le nécessaire consensus. Le socialiste Ricardo Lagos est élu Président de la République l’année 2000, sur un programme un peu plus progressiste que ses prédécesseurs. Entre les deux tours, il retire son programme et le renégocie avec les grandes entreprises... La victoire de Michèle Bachelet en 2006 confirme les fortes attentes de la population. Son gouvernement fait certes un pas vers le social, mais dans l’ensemble elle continue sur la ligne d’administration du système dominant. Le gouvernement de Sebastián Piñera marque l’arrivée d’une nouvelle droite, néolibérale en économie et désireuse de ne pas revenir sur les compromis avec la dictature. Un accord est alors recherché entre les partis de la Concertation pour renforcer une nouvelle alternance électorale autour de Bachelet (qui gagne la présidence en 2014 - NdE). L’élément nouveau dans la situation politique actuelle est l’irruption de nouveaux mouvements de luttes, particulièrement du mouvement étudiant. Cette génération ne se sent pas toujours concernée par les anciens débats sur la transition politique. Elle exige un réel changement.

La situation économique au Chili

La population chilienne est de 17 millions d’habitants. Malgré la faiblesse relative de sa population, l’économie du pays est la cinquième la plus importante d’Amérique latine. Le PIB par habitant (plus de 12000 USD, et 15000 USD en parité de pouvoir d’achat), est le  plus élevé du continent. La croissance a été de 5,2% en 2010 et de plus de 6% en 2011. L’économie chilienne a bien résisté à la crise internationale de 2008, ainsi qu’à l’impact du violent séisme du 27 février 2010. La croissance annuelle moyenne du PIB chilien a été de 5,2 % au cours du dernier quart de siècle, et même de 8,3 % entre 1990 et 1997.

Le Chili est un des pays pionniers en matière de libéralisation économique en Amérique latine. Il a signé 21 traités de commerce de libre-échange avec 58 pays et des associations qui représentent 65 % de la population mondiale (NAFTA, Union européenne, EFTA, Corée du Sud, Chine, ...). L'exportation est le secteur d’entraînement de l’économie. Les exportations sont composées pour 45 % de produits industriels, 45 % de production minière et 10 % de produits agricoles. La croissance chilienne reste liée aux prix élevés du marché mondial des minéraux, particulièrement du cuivre (35%de la production mondiale). Le Chili cherche à réduire sa dépendance envers l'exportation de cuivre en passant de 60 % dans les années 1970, à 35 % à partir de 2004. Mais, 57% des exportations ont un rapport avec le cuivre et les produits miniers, dont beaucoup avec les dérivés du cuivre. La base industrielle, construite dans la période d’avant la dictature, à partir des politiques de substitution des importations, reste forte, même si elle a été fortement ébranlée par le modèle économique de la dictature.

Malgré un dynamisme économique important, il existe au Chili d’immenses inégalités sociales. Plusieurs indicateurs sociaux sont satisfaisants. L'espérance de vie (77,7 années) est la plus élevée d'Amérique latine. Le taux de mortalité infantile est faible (7,8/1000) et le taux d'alphabétisation atteindrait 96%. Mais, le taux de femmes actives au Chili (40% ont un travail) est le plus faible d’Amérique latine et la différence de salaire entre les hommes et les femmes est de l’ordre d’un tiers pour le même emploi et la même qualification. La distribution des revenus est très inégalitaire, même si le taux de pauvreté serait passé de 50% en 1987 à 19% en 2003. Ce sont les classes les plus aisées qui profitent des bienfaits de la croissance économique. Le solde des finances publiques est positif. La politique budgétaire est guidée par la règle de l’excédent structurel (1 % du PIB). Les transferts redistributifs et les impôts progressifs jouent un rôle limité. D’après les classements du PNUD, bien que le Chili ait réussi à faire baisser la pauvreté, il se situe à la quinzième place des pays les plus inégaux de la planète.

Les mouvements sociaux au Chili


Les nouveaux mouvements sociaux marquent la prise de conscience de la situation sociale et politique au Chili.11 Ils sont très prometteurs, défendent des positions radicales (dans le sens premier de la radicalité, celui qui propose d’aller à la racine des choses) tout en répondant à des situations, comme à des réalités, concrètes. Ces mouvements sont aussi capables de relier leurs mobilisations spécifiques, avec la nature globale du système, avec la cohérence du modèle de développement, et de s’inscrire dans la nécessité de son dépassement.

La grande manifestation des étudiants chiliens du 28 avril 2011 a marqué l’importance d’un nouveau cycle de mobilisations sociales. L’ampleur des manifestations renoue avec les grandes protestations qui avaient entamé la fin de la dictature de Pinochet, en 1983 et 1984. Le mouvement social chilien s’inscrit dans les grandes mobilisations qui se déploient en Amérique latine et dans le nouveau cycle de luttes qui marquent la situation mondiale depuis 2008.

Ce ne sont pas les premières manifestations étudiantes importantes au Chili, il y en a eu plusieurs depuis 1997, et notamment celle des élèves du secondaire en 2006, dite « révolution des pingouins » (à cause de leur uniforme). Mais celles de 2011 sont exceptionnelles par leur ampleur, leur impact et leurs conséquences sociales. Il ne s’agit pas seulement d’un mouvement étudiant, car plusieurs grandes mobilisations secouent la société chilienne et prolongent l’accélération des conflits depuis 2006-2007, notamment les luttes des travailleurs du cuivre et des « subcontratistas », les salariés des entreprises sous-traitantes. Les conflits sont aussi fréquents dans la fonction publique et dans la magistrature, ainsi que les luttes contre les discriminations et pour le droit à la diversité sexuelle (LGTB - Lesbian, gay, bisexual, transgender).

L’arrivée du gouvernement de droite de Piñera, en 2010, relance la contestation. Après une pause suite au tremblement de terre du 27 février 2010, on assiste à une véritable explosion sociale. Le 24 août 2010, une manifestation de masse spontanée, mobilisant des écologistes, des étudiants et des jeunes professionnels, s’oppose au projet thermoélectrique de Barrancones dans le Parc naturel de Punta de Choros. D'octobre à décembre 2010, il y a de nombreuses manifestations d’habitants. La Fédération nationale des “pobladores” (habitants pauvres) se rapproche du mouvement étudiant, en inscrivant la lutte pour le droit au logement et le droit à la ville dans une série plus vaste de droits sociaux, tels le droit à l'éducation, à la santé et au travail. En janvier 2011, dans la région australe de Magallanes, une grève massive de deux semaines remet en cause l’augmentation du gaz

Le 27 février 2011, un an après le tremblement de terre, de nombreuses manifestations de sinistrés dénoncent les limites du processus de reconstruction et la privatisation des plans de reconstruction. Les mobilisations massives contre HidroAysén, le mégaprojet de barrages en Patagonie, précède -puis accompagne- les manifestations étudiantes. La plus longue grève de la faim des prisonniers politiques Mapuches se déroule du 15 Mars au 6 Juin 2011.

Le mouvement social pour l'éducation construit ainsi un fil directeur de ce véritable « tellurisme social ». Après la première manifestation du 28 avril 2011, la première grève nationale pour l'éducation, commence le 12 mai trois jours après la mobilisation contre HidroAysen. La popularité des « indignés » chiliens augmente et fédère le mécontentement. Ils sont 300 000 dans les rues le 30 juin et 500 000 le 9 août, de toutes les générations, couches moyennes et classes populaires confondues. La grève nationale des 23 et 24 août, appelée par la Centrale unitaire des travailleurs (CUT) et plus de 80 organisations syndicales, met en avant le soutien aux étudiants et la protestation contre les conditions de travail.

Pendant plusieurs mois, la mobilisation ne faiblit pas. Chaque jour il y a des manifestations différentes  dans toutes les villes du Chili. En septembre, les manifestations sont massives, pacifiques et festives, avec plus de 150 000 personnes à Santiago. Elles font preuve de créativité et d’inventivité et multiplient les nouvelles façons de manifester (« tout le monde s’embrasse », danses, courses de rue, occupations, carnavals, ...). Le soutien de l’opinion publique est massif. La réponse des pouvoirs en place est la répression et la mise en scène médiatique de la violence qui en résulte. Le 4 aout 2011, la violence policière franchi un seuil, avec plus de 1000 personnes arrêtées et des centaines de blessés. Elle provoque l’amplification du mouvement qui reçoit un soutien de la population et le déchainement des « cacerolazo », les concerts de casseroles, dans tous les quartiers.

Le sens de la contestation étudiante s’appuie sur des revendications claires : une éducation gratuite, publique et de qualité. Comment ce conflit dans le champ de l’éducation a-t-il pu constituer un tournant politique majeur ? L’éducation publique chilienne était renommée pour sa qualité et gratuité jusqu’en 1973. Le coup d’Etat a conduit à son démantèlement et marchandisation, comme à celui des autres champs sociaux. Désormais, moins de 25 % du système éducatif est financé par l’État. Le reste est assumé par les familles : 70 % des étudiants doit s’endetter et 65 % d’entre eux interrompent leurs études pour des raisons financières. L’État chilien ne consacre que 4,4 % du produit intérieur brut (PIB) à l’enseignement, par rapport aux 7 % recommandés par l’Unesco.

La critique de la situation de l’éducation rejoint progressivement celle des autres mobilisations. Le mouvement écologiste a ainsi publié un texte de soutien avec les étudiants, signé par 85 associations, avec une analyse de fond sur le mouvement étudiant et un appui à ses revendications du point de vue de la justice environnementale. Ils mettent en cause la liaison entre une éducation ségrégative et les faiblesses de la démocratie. Ils montrent le danger de la logique d’autofinancement des universités, qui conduit à les subordonner aux grandes entreprises et soutiennent l’aspiration à une éducation publique, inclusive, démocratique et de qualité. Les revendications pour l'éducation s’élargissent de cette manière aux revendications pour la démocratisation du pays. Elles débouchent sur la volonté d’un changement de Constitution autoritaire de 1980. Elles mettent en avant la volonté « d’en finir vraiment avec l’ère Pinochet », comme avec le néolibéralisme élaboré par les « Chicago Boys » : une « stratégie du choc » expérimentée au Chili, après avoir été imposée par la dictature de Pinochet. Le mouvement critique radicalement la continuité de ce modèle qui, une fois gommé son « péché originel », permettrait la stabilité politique et la réussite économique. La fin de la dictature n'a pas remis en cause cet héritage, qui a été adapté et adopté par la « Concertation ». Les mobilisations ont aussi dévoilé la nature réelle de la « nouvelle droite » revenue au pouvoir, vingt ans après la fin négociée de la dictature. La repolitisation de la société chilienne traduit cette irruption sur la scène politique, d’une génération qui n’a pas connu la dictature et qui redécouvre les limites de la transition politique et de la démocratisation conduite par la Concertation durant 20 ans. La mobilisation s’est traduite par une expérimentation de la participation et des formes de la démocratie directe. En réclamant une assemblée constituante, un référendum sur l’éducation, la renationalisation du cuivre ; en insistant sur les inégalités et les droits sociaux, la redistribution des richesses, la réforme fiscale, le mouvement social a remis en cause les fondements même du modèle chilien.

Ces mobilisations sont spécifiques et profondément chiliennes. Elles ont pourtant des prolongements latino-américains : les étudiants colombiens, mexicains et brésiliens ont commencé à se mobiliser pour l'éducation publique en se référant à l'exemple chilien. On voit également des prolongements en Grande Bretagne, au Québec et ailleurs. Les luttes écologistes chiliennes ont aussi eu un écho à l’occasion de Rio+20. Ces mobilisations s’inscrivent dans un nouveau cycle de résistances et révolutions à l’échelle mondiale, réponse des peuples à l’accentuation de la crise et aux politiques répressives d’austérité depuis 2008.

Les nouveaux mouvements étudiants marquent la faillite des systèmes éducatifs marchandisés à l’échelle mondiale. D’une part, le néolibéralisme a rompu la promesse de lier l’éducation au plein emploi. D’autre part, le surendettement des étudiants a violemment précarisé les nouvelles générations. La question posée au mouvement social chilien est celle de la difficulté à fédérer les organisations sociales, pour former un vaste mouvement à la hauteur des enjeux d’un changement social et politique.

La logique qui s’impose est mondiale. Même si le néolibéralisme est en crise, probablement épuisé comme logique dominante ; les forces du marché mondial des capitaux restent extrêmement puissantes et unies dans la défense de leurs privilèges colossaux. Tout pays qui pousse la logique de ses résistances jusqu’à une remise en cause de la rationalité mondiale courre des risques majeurs. Et le peuple chilien n’oublie pas que leur nation a été le laboratoire du néolibéralisme. Il sait par expérience que le néolibéralisme est capable de tuer et de saccager. Il est ainsi compréhensible que le peuple chilien soit encore traumatisé par la dictature qu’il a subie. La question actuelle est donc de trouver le chemin des transformations politiques qui permettrait une libération plus complète. La proposition d’une « transition » politique négociée, imaginée sans rupture, a trouvé ses limites. Les mouvements sociaux chiliens par leur vigueur et leur inventivité font face à ce nouveau défi : inventer un nouveau chemin politique.

Notes :
  • 1. A Buenos Aires, nous avons été reçus par ATTAC et par la Fundación de Investigaciones Sociales y Políticas. Nous avons rencontré de nombreux mouvements engagés dans le processus des Forums Sociaux Mondiaux et notre éditeur Capital Intellectual / Le Monde Diplomatique. Nous avons eu des séances de travail avec le secrétariat national du syndicat CTA (Central de Trabajadores de la Argentina), le CLACSO (Consejo Latinoamericano de Ciencias Sociales), GEAL (Grupo de Estudios sobre América Latina y el Caribe) et les mouvements engagés dans l’ALBA, Jubileo Sur et le SERPAJ (Servicio de Paz y Justicia), la revue Crisis, etc.
  • 2. Alternatives internationales, « Argentine : la crise est de retour Gabriel Hassan », n°315, juillet 2012.
  • 3. « La expropiación de REPSOL-YPF, realidad, limites y perspectivas », Marcelo Nowerstern, abril 2012, CALPA (Comité de apoyo a las luchas del pueblo argentino - Paris).
  • 4. « Nous avons sauvé les gens plutôt que les banques », Libération, février 2012 : l'ancien ministre de l'Economie argentin, Roberto L avagna, a sorti son pays de la crise en 2002, en se passant des services du FMI. Il préconise la même solution pour la Grèce. www.liberation.fr/economie/01012390907-nous-avons-sauve-les-gens-plutot-que-les-banques
  • 5. « Le miracle argentin était en trompe-l'œil », Le Monde, 25.06.2012, par Claire Gatinois et Christine Legrand (à Buenos-Aires), www.lemonde.fr/economie/article/2012/06/25/le-miracle-argentin-etait-en-trompe-l-oeil_1723660_3234.html.
  • 6. Quand les multinationales minières recolonisent l’Argentine, Carlos Ruiz, février 2012 http://www.bastamag.net/article2139.html
  • 7. Sensibilités en conflit : Travail, protestation et expressivité dans une expérience de récupération d’entreprise en Argentine ; Adrián Scribano, Pedro Lisdero, Baptiste Bloch ; transmis par Maxime Combes mars 2012.
  • 8. « Les mouvements sociaux dans l’Argentine d’aujourd’hui », Héctor Palomino, RISAL, 13 décembre 2004, http://risal.collectifs.net/spip.php?page=imprimer&id_article=1207 ; « Argentine : gauches et mouvements sociaux », Maristella Svampa, juin 2006, Entre voces, n°5, janvier 2006 ; revue Pueblos (www.revistapueblos.org), mars 2006 ; « Le dilemme des mouvements sociaux : organiser la désorganisation », Entretien avec Atilio Boron, sociologue et secrétaire exécutif du CLACSO, Alternatives Internationales, Montréal, Octobre 2005.
  • 9. A Santiago du Chili, nous avons été reçus par notre éditeur LOM, qui joue un rôle formidable et nous avons rencontré des mouvements étudiants, urbains, des droits de l’homme, de nombreux journalistes, ainsi que des universitaires. Les deux débats publics ont eu lieu à la salle des Archives nationales et à Universidad Academia Humanismo Cristiano. Parmi les activités : interview The Clinic Ana Rodriguez ; interview El Ciudadano Mauricio Becerra ; interview Ana Muga (medios varios) ; interview El Clarin Loreto Soler.
  • 10. V. De La Fuente, « En finir (vraiment) avec l’ère Pinochet », www.monde-diplomatique.fr, 24 aout 2011 et Franck Gaudichaud, « Au Chili, les vieilles lunes de la nouvelle droite », Le Monde diplomatique, Paris, mai 2011.
  • 11. Franck Gaudichaud et Mario Amorós, Dossier Lecciones de la rebelión estudiantil , Rebelion, www.rebelion.org/apartado.ph... ; Franck Gaudichaud, « Chili : réflexions sur le réveil des mouvements sociaux et le « Mai chilien » », 1er octobre 2011, www.europe-solidaire.org/spip.php?article23403  ; Franck Gaudichaud, « Chili : Tremblement de terre politique et retour des Chicago boys », Recherches internationales, Paris, juillet 2010, www.alterinfos.org/spip.php?article4559 ; JC. Gómez Leyton, « Protesta social y política en una sociedad neoliberal triunfante », Observatorio Social de América Latina, año VII, N°20, CLACSO, Argentina, 2006 ; S. Grez, « Un nuevo amanecer de los movimientos sociales en Chile », The Clinic, nº 409, Santiago, 1 septembre 2011 ; Claudio Pulgar, « La revolución en el Chile del 2011 y el movimiento social por la educación », www.lemondediplomatique.cl, septembre 2011 ; Claudio Pulgar, « Mobilisations étudiantes au Chili », Maison de l’Amérique Latine, Paris, 13 de septembre 2011.
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