M. Colloghan

samedi 16 février 2013

Déclaration du Sommet des Peuples face au Sommet des Chefs d’Etats et de Gouvernements UE-CELAC, Santiago du Chili

Dans le cadre du Sommet des Peuples qui s’est tenu les 25, 26 et 27 janvier 2013, à Santiago du Chili, les organisations et les mouvements sociaux et politiques des différents pays d’Amérique Latine, de la Caraïbe et de l’Union Européenne déclarons ce qui suit :
 Nous voyons aujourd’hui comment les biens naturels, les droits et les personnes sont devenus des marchandises dans les pays et au sein des peuples d’Amérique Latine, d’Europe et de la Caraïbe, conséquence de la logique capitaliste qui installe et renforce son caractère néolibéral et machiste au travers des appareils civiques, politiques et militaires.


Les relations existantes entre l’Union Européenne et l’Amérique Latine et la Caraïbe qui, par des accords commerciaux et des accords bilatéraux d’investissements, donnent la primauté aux privilèges et aux bénéfices des investisseurs face aux droits des peuples, renforcent ce modèle qui porte préjudice aux peuples des deux régions.

C’est ainsi que ces Etats mercantiles, les transnationales et les corporations continuent de gérer et d’accroître la pauvreté et l’inégalité sociale dans le monde, sous couvert d’une sorte de démocratie représentative aux mains d’une élite, et de plus en plus éloignée des intérêts de la grande majorité de notre peuple.

Cette hégémonie du capital financier se manifeste entre autres par la privatisation et la marchandisation des services publics, le démantèlement de l’état providence, la précarisation du travail, l’extractivisme, l’exploitation, le mercantilisme et la destruction des biens naturels et sociaux propres au peuple, ainsi que le déplacement forcé des peuples originaires, provoquant ainsi les crises alimentaires, énergétiques et climatiques.

Dans l’Union Européenne la crise financière a été un véritable coup d’état financier qui a imposé des politiques d’austérité contre les droits des peuples, les droits du travail et l’environnement. La troïka européenne (FMI, BCE, Commission Européenne) oblige les états à s’endetter pour sauver les banques et accule les peuples à payer la crise que celles-ci ont elles-mêmes provoquée.

Il est aussi nécessaire de mettre l’accent sur l’oppression croissante et la discrimination dont les femmes d’Amérique Latine, de la Caraïbe et d’Europe sont victimes.

Et pourtant, malgré ce contexte défavorable, nous voyons apparaître des processus historiques et récents dans les luttes de nos peuples dans le monde, qui réussissent à créer des tensions et ouvrir des brèches dans les logiques actuelles, ce qui nous fait espérer qu’un autre monde est possible.

Il devient donc nécessaire de construire les bases d’un nouveau modèle de société qui transforme les logiques actuelles et des politiques économiques, sociales et culturelles adaptées dans tous les pays et chez tous les peuples des deux côtés du continent, et d’organiser les luttes des différents acteurs et organisations populaires.

Pour atteindre ces objectifs nous proposons ce qui suit :
Les droits et biens naturels volés à notre peuple doivent être récupérés par la nationalisation, la communautarisation des biens, des services et des moyens de production, et par la reconnaissance constitutionnelle de la nature comme sujet de droit. Ceci implique de dépasser la résistance et les mouvements revendicatifs pour aller vers une alternative porteuse d’un projet politique et social intégral du pays.

Promouvoir le paradigme du bien vivre basé sur l’équilibre de l’être humain avec la nature, l’environnement et les droits de la terre, au service des peuples, et basé sur une économie plurielle et solidaire.

La démocratie directe, participative et populaire et sa concrétisation à partir des bases sociales. Il est pour cela nécessaire d’intégrer les acteurs sociaux et politiques du monde, en valorisant les pratiques territoriales et en instaurant un dialogue entre les instances locales et globales.

Promouvoir l’intégration à la participation politique des enfants (garçons et filles) et de la jeunesse, d’un point de vue du genre. Promouvoir le respect de la libre détermination des peuples originaires du monde, considérés comme des peuples frères non soumis à la territorialité imposée par la colonisation. Promouvoir aussi la souveraineté alimentaire dans la perspective d’une autonomie territoriale des peuples et des communautés à décider que produire et comment produire.

En ce qui concerne l’aggravation de la répression et de la criminalisation des mouvements de contestation, des mouvements sociaux et populaires, nous devons nous organiser afin d’avoir les forces nécessaires pour freiner la multiplication des lois antiterroristes et leur application aux communautés indigènes de nos peuples, et pour lutter contre la militarisation impérialiste croissante qui a installé ses bases en Amérique latine, en Europe et dans la Caraïbe.

Sensibiliser, semer l’agitation et encourager les luttes contre les transnationales par des campagnes de dénonciation et de boycott à tous les niveaux.

Prôner le féminisme comme projet politique anti-patriarcal et anticapitaliste. Reconnaître et promouvoir les droits des migrants et de la libre circulation des peuples entre les états.
L’entière solidarité avec le peuple palestinien et tous les peuples et les nations opprimés par le pouvoir colonisateur et l’impérialisme, ainsi que la condamnation des interventions civico-militaires au Honduras, en Haïti et au Paraguay. Nous soutenons les processus de paix, avec la participation des acteurs sociaux et politiques, en Colombie. La solidarité avec le peuple cubain contre le blocus, avec l’Argentine dans son processus de récupération des Malouines, avec la Bolivie pour sa demande d’accès à la mer, avec le peuple vénézuélien engagé dans le processus bolivarien, et avec les mouvements sociaux de Grèce et d’Espagne. Pour ce qui est du Chili, nous soutenons le mouvement étudiant dans sa défense de l’éducation publique gratuite, et le peuple-nation Mapuche contre la répression de l’Etat.

Parallèlement à la lutte pour la souveraineté de nos territoires en Amérique Latine, il est nécessaire de lutter pour le respect de la souveraineté de notre corps, le corps de la femme devant être considéré comme un territoire propre à celle-ci.

Nous comprenons que le dépassement de la précarisation du travail à laquelle sont soumis la plupart des travailleurs en Amérique Latine et dans le monde passe par le changement des relations entre la propriété et la production de biens et de services, et la valorisation du rôle essentiel des travailleurs et des travailleuses, base de la construction de toute la société.

De façon transversale, nous devons avancer dans la création de plateformes de luttes pour la communication qui permette non seulement de faire connaître, de la manière la plus large possible, les exigences et les propositions alternatives de nos peuple face au modèle hégémonique, mais aussi d’expliquer les causes réelles des problèmes dont nous souffrons aujourd’hui.

Nous devons être capables d’élaborer des revendications unitaires qui concernent tous les acteurs sociaux et les peuples en lutte, et qui nous permettent de fixer des perspectives stratégiques, en articulant et organisant le mouvement syndical, social et politique en Amérique Latine, dans la Caraïbe et en Europe. Ceci devrait aboutir à une feuille de route de travail et de mobilisations dans l’immédiat, mais aussi de perspectives à plus long terme.

En même temps, renforcer l’organisation sociale et populaire d’insertion, et faire que nos revendications soient assumées par la plus grande majorité, par un travail politique et militant.
Nous ne pouvons pas continuer à diviser les instances organisationnelles auxquelles nous appartenons. Mener à bien un projet dans la diversité est le plus grand défi qui s’offre à nous si nous voulons créer une alternative de pouvoir populaire. En finir avec les sectarismes qui fragmentent, divisent, et empêchent la construction de l’unité du camp populaire est une tâche urgente.

Face au pouvoir du bloc dominant, seules l’unité et la solidarité entre les peuples nous donneront la force nécessaire pour atteindre nos objectifs les plus élevés, et vaincre.

Santiago du Chili, le 27 janvier 2013.

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